CAHUZAC - Le week-end aura été mouvementé. De nouvelles révélations de la presse suisse sont encore venues éclabousser le passé de l'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac. Mais cette fois, la réponse du gouvernement s'est faite discrète. L'exécutif commencerait-il à fatiguer? François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont pris le large ce week-end, laissant Pierre Moscovici affronter la tempête seul.
Un nouveau mensonge?
Samedi 6 avril, le quotidien zurichois Tages Anzeiger affirme que l'ancien ministre aurait "menti" à la banque Julius Baer en fournissant un "certificat fiscal falsifié" pour obtenir le transfert à Singapour. En 2009, après que la Suisse s'est déclarée prête à accorder l'aide judiciaire en cas d'évasion fiscale, Jérôme Cahuzac a estimé que la situation devenait trop dangereuse à Genève et a demandé à Reyl & Cie de transférer les fonds sur un compte ommnibus à Singapour, auprès de la filiale de la banque Julius Baer .
La banque Julius Baer a réagi avec prudence, a écrit le Tages Anzeiger. Elle a réclamé à Reyl & Cie, bien que rien ne l'y obligeait, un formulaire appelé "formulaire A", qui fait apparaître le nom du détenteur des fonds. Lorsque les banquiers de Julius Baer ont vu qu'il s'agissait d'un homme politique, ils ont demandé un document certifiant que les fonds avaient bien été déclarés au fisc compétent.
Selon des recherches effectuées par le Tages Anzeiger, Jérôme Cahuzac "a présenté un certificat fiscal falsifié". Il a également assuré que ces 600.000 euros provenaient de son activité de chirurgien esthétique, ajoute le journal. En conséquence, Julius Baer a autorisé l'opération de transfert de fonds.
Une tentative de placement refusée
Dimanche 7 avril, c'est la télévision publique suisse (RTS) qui annonce que l'ancien ministre français du Budget Jérôme Cahuzac aurait cherché à placer 15 millions d'euros en Suisse en 2009. "Il aurait tenté de placer cet argent dans un établissement de gestion financière à Genève en 2009 mais l'établissement aurait refusé par crainte de complications ultérieures, Jérôme Cahuzac étant une personnalité exposée politiquement, selon des informations bancaires recueillies par la rédaction de la RTS", écrit la RTS sur son site.
Cette information a été jugée "pas crédible" par l'avocat de Jérôme Cahuzac : "Cette thèse n'est pas crédible sur le plan du bon sens", a déclaré l'avocat interrogé par l'AFP.
Pendant ce temps-là... François Hollande se promène à Tulle
Samedi, le président François Hollande, pris dans la tourmente de l'affaire Cahuzac, s'est offert une heure et demie de déambulation impromptue, la plus longue depuis son élection, en homme "libre" dans les rues de Tulle, son fief électoral corrézien.
Jugeant qu'il s'agissait de "moments importants", François Hollande a loué dans une allusion à l'ancien ministre du Budget "une population exigeante et qui marque chaque moment de ma vie politique, et encore aujourd'hui, quand il faut être intraitable, un soutien". "La population qui me soutient, qui me connaît est toujours là", a-t-il insisté avant de s'engouffrer dans son véhicule.
Bras dessus, bras dessous avec sa compagne, Valérie Trierweiler, François Hollande a longuement arpenté les rues commerçante d'une ville qui l'a fait roi et dont il a été le député-maire pendant de longues années.
Le président de la République a fait la bise aux automobilistes et aux passantes, salué les vieilles dames aux fenêtres, embrassé les enfants, pris des cafés dans les bistrots, lançant des "comment vas-tu?" aux uns et des "t'es grand toi" aux autres.
... Jean-Marc Ayrault se ressource en Bavière
Signatures de livres d'or, inauguration d'exposition... en pleine tempête Cahuzac, Jean-Marc Ayrault s'est quant à lui rendu vendredi et samedi en Bavière sur les traces de sa jeunesse et de ses amitiés allemandes, se défendant toutefois de "s'échapper" des tourments de la politique intérieure.
Le Premier ministre s'est d'abord rendu à Wurzbourg, au sud de l'Allemagne - invitation reçue à l'automne dernier - pour se voir remettre le diplôme de "citoyen d'honneur" de l'université dans laquelle il a fait ses études en 1969-1970. L'image est décalée: imperturbable, même plutôt détendu, l'ancien professeur d'allemand est décoré d'une médaille, et reçoit un certificat de sa participation aux cours du premier semestre 1970 et un vin millésimé de cette année-là...
Puis, À Munich samedi, dans l'université Ludwig Maximilian déserte, il dépose une couronne au pied du Mémorial de la Rose blanche, en hommage au mouvement de résistance allemande "weisse Rose" (Rose blanche) pendant les années 1942-1943. Avant de louer la relation franco-allemande à la cérémonie d'inauguration de l'exposition "de Gaulle-Adenauer - Les Bâtisseurs de l'amitié franco-allemande".
On l'aura aussi vu passer une heure à se faire expliquer les prouesses d'un robot humanoïde mis au point conjointement par une université française et un l'Institut technologique de Munich.
... Et Pierre Moscovici essaie de garder la tête hors de l'eau
Pierre Moscovici n'a lui pas quitté Paris. Il a dû répondre aux accusations que fait peser sur lui l'opposition selon lesquelles le ministre de l'Économie aurait tenté de blanchir son ancien collègue. "Je ne suis pas le ministre de l'affaire Cahuzac", s'est défendu dimanche sur Europe 1 Pierre Moscovici, assurant qu'il n'y avait eu aucune complaisance ou faille dans l'enquête diligentée auprès de la Suisse sur le compte de l'ex-ministre du Budget.

Moscovici : "pas à moi de mener une enquête" par Europe1fr
Mais il en faudra plus pour convaincre. Et le ministre de l'Economie et des Finances le sait. Il a proposé la mise en place d'"un Fatca européen" (référence à la loi américaine Fatca) qui permettrait "un échange d'informations automatique". Le ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici a regretté dimanche que l'affaire Cahuzac jette l’opprobre sur toute la parole politique, alimentant ainsi la montée du populisme.
"On entre dans une phase où toute parole politique est suspectée et c'est de ça dont j'en (...) veux" à Jérôme Cahuzac, a expliqué son ancien ministre de tutelle au Grand rendez-vous Europe 1/Le Parisien/iTélé. "Ce qui m'a touché dans cette affaire-là (...), c'est ce qui remet en cause la politique", a-t-il ajouté expliquant ne pas concevoir que Jérôme Cahuzac puisse revenir sur les bancs de l'Assemblée en tant que député.
Le ministre a aussi souhaité adresser un "message de félicitations à l'administration fiscale" pour le travail effectué pour clarifier l'affaire. "Il ne faut pas jeter la suspicion sur elle", a-t-il insisté.
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